vendredi 23 mai 2008

En fin de droits

A chaque fois qu’il y a une grève dans le service public, j’entends des gens vraiment bien choisis prétendre être pris en otage, dire que dans le privé ils n’ont pas les avantages des fonctionnaires et ne peuvent pas se permettre de faire grève sans mettre leur boite en péril et perdre leur job et que vraiment c’est pas juste c’est toujours les mêmes qui trinquent, etc.

Ces gens, j’ai envie de les serrer dans mes bras, de les accueillir ces doux petits agneaux qui découvrent, réalisent qu’ils n’ont plus le droit de grève, EUX. C’est beau, c’est fort, c’est douloureux cette découverte. C’est pourquoi je veux les accompagner vers des chemins plus aventureux encore, vers le réveil et l’entrée dans le monde réel. Lève toi et marche mon ami.

Levez-vous tous…

Alors…

… Alors vous vous levez le matin pour vous rendre à votre travail et vous avez en tête ces images des heureux bénéficiaires du droit de grève.

Vous vous levez le matin pour vous rendre au bureau de vote mais en chemin vous vous tapez sur le front. Plus de droit de vote. C’est une loi qui vient de passer, ou bien une insidieuse pression, une présence dans la rue qui fait que vous préférez vous abstenir de déposer un bulletin dans l’urne. Vous enviez peut-être les gens que vous voyez se rendre au bureau de vote mais déjà certains font aussi demi-tour. Pour d’autres c’est différent, il s’agit de ne surtout pas se tromper de bulletin, surtout pas. La voix menaçante résonne encore dans leurs oreilles.

Vous vous levez le matin, sortez dans la rue, entrez dans votre station de RER. Au Relay, l’employé vous regarde bizarrement en vous tendant Le Journal. Vous vous excusez de lui avoir demandé un titre qui n’est plus distribué depuis longtemps. En sortant de la gare, vous trébuchez car vous ne savez plus si vous avez le droit ou non de marcher sur le trottoir.

Après votre fameux boulot, vous pouvez boire un verre au café mais vous ne vous attardez pas trop car chez vous il y a le couvre feu, vous n’avez plus le droit de circuler dans les rues et de retrouver des amis après 22h00. Grâce à votre Passe Navigo, le Préfet de police sait que vous n’êtes pas rentré chez vous. Mais peut-être ne sait-il pas exactement dans quel lieu vous vous trouvez…

… Vous avez le droit de rêver.

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